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Posté par le 25 Août, 2017 dans Entrevues | 3 commentaires

Entrevue avec les actrices Cherami Leigh et Amanda Miller (partie 1)

Entrevue avec les actrices Cherami Leigh et Amanda Miller (partie 1)

 

Par Adrien Kamran

 

Le 6 août dernier, lors de la plus récente édition de la convention montréalaise Otakuthon, reconnue comme le plus grand événement de ce genre dédié à la culture populaire japonaise, j’ai eu le privilège de rencontrer Cherami Leigh et Amanda Miller, deux des invitées d’honneur de la convention, dans le cadre d’une entrevue spéciale pour les Horizons imaginaires. Les deux sont des actrices américaines qui oeuvrent principalement comme doubleuses pour des séries et des films animés.

 

Avec plus de 20 ans d’expérience dans cette industrie, Cherami Leigh a prêté sa voix à plus d’une centaine de personnages différents, dont Asuna dans Sword Art Online, Lizzie dans Black Butler et Mai dans Ghost Hunt. On l’entendra très bientôt dans le rôle de Sailor Venus, dans la populaire série Sailor Moon! Quant à Amanda Miller, elle est réputée pour les rôles d’héroïnes désaxées et de dures à cuire qu’elle accumule depuis un moment: Kate Bishop, alias Hawkeye, la redoutable archère dans l’univers Marvel, Mikage de Durarara!!x2 ou encore Sailor Jupiter, dans la série Sailor Moon!

 


 

Adrien Kamran : Commençons cette entrevue avec une question que vous avez probablement entendue trop souvent: qu’est-ce qui vous a toutes deux amenées à prêter vos voix à des personnages de dessins animés? Quand vos carrières de doubleuses ont-elle commencé? Vos études ont-elles eu un impact sur ce choix de carrière?

 

Amanda Miller : Quand j’étais petite, quand je regardais des dessins animés, je reconnaissais les mêmes voix qui sortaient de la bouche de personnages différents. Je savais donc déjà à cet âge que c’était une possibilité de carrière; je ne savais pas exactement ce que je voulais faire plus tard, mais j’ai dit à mes parents que je voulais devenir une actrice, mais que je ne voulais pas être vue des spectateurs. Et ils ont trouvé hilarant le fait que j’ai effectivement trouvé un métier où il m’était possible de faire exactement cela! J’ai donc fait du théâtre quand j’étais à l’école secondaire et ensuite, je me suis spécialisée dans le théâtre au collège. À l’origine, je souhaitais me rendre à New York et jouer à Broadway, mais j’ai suivi un atelier de doublage, qui s’appelait « Adventures in Voice Acting » (NDLR « Aventures dans le doublage ») et qui voyageait un peu partout en suivant différentes conventions. J’ai vraiment aimé cette expérience et, à ce moment-là, j’ai réalisé que je pouvais faire cela à Los Angeles. J’y ai donc déménagé et j’ai réussi à me trouver un stage quelque part. En fait, il s’agissait d’un studio de doublage, où je devais notamment acheter du café aux employés ! Sauf qu’un jour,  je me suis faufilée jusqu’aux producteurs et je leur ai dit quelque chose comme « S’il vous plaît, laissez-moi passer une audition! ». Ils m’ont éventuellement permise d’en faire une, après quoi ils ont déclaré quelque chose comme « Elle n’est pas mauvaise… », et c’est comme ça que je me suis retrouvée où je suis maintenant!

 

Amanda Miller

 

Cherami Leigh : Dans mon cas, en réalité, je voulais devenir une actrice quand j’étais petite parce que je voulais faire partie des comédiens de l’émission Barney. Je ne sais pas si vous connaissez Barney ici… Vous savez, le gros dinosaure mauve? Alors voilà, c’est exactement ce que je voulais faire! Ainsi, j’ai créé une présentation pour harceler mes parents et leur annoncer que je voulais devenir actrice; j’avais tout fabriqué mon matériel à partir de papier de bricolage, donc vous comprenez que tout ça était bien avant les PowerPoint. Mes parents n’étaient pas chauds à l’idée de me voir faire partie de cette industrie, puisque ma mère avait déjà joué dans des publicités quand elle était elle-même enfant, donc elle voulait éviter que je me retrouve dans l’environnement toxique, négatif et prompt au rejet qu’elle avait connu. Elle m’a alors amenée à des auditions ouvertes pour Miracle on 34th Street afin de me montrer comment tout cela était difficile et que j’allais inévitablement me faire rejeter. Elle voulait que je comprenne que nous allions attendre toute la journée, pour rien. J’ai plutôt enchaîné les auditions, et ce faisant, j’ai été sélectionnée pour faire partie du top 10 de la journée! Quelqu’un a dit: « Nous allons envoyer quelques-uns d’entre vous à Los Angeles! » Et ma mère a réagi en disant: « Oh!, ça s’est retourné contre moi! » Puis, on lui a dit j’aurais besoin de me trouver un agent, comme je n’en avais aucun. Que cela m’aiderait peut-être à mieux comprendre tous les enjeux du milieu… Et ma mère leu a répondu : « Elle sait tout. Merci bien. » J’ai donc commencé à faire des publicités et des choses comme ça; je suivais beaucoup de cours. Ma mère m’a dit qu’avant d’obtenir un agent, je devais prendre un cours précis d’interprétation qui dirait huit semaines, ainsi qu’une tonne d’autres choses comme des leçons de doublage pour prouver que j’aimais ce métier. Vers la fin des huit semaines de cours, en fin de journée, je demandais à ma mère si je pouvais en faire davantage, et elle s’exclamait que ça faisait déjà trois heures que je travaillais, et ce même si je n’avais que six ans ! Finalement, une fois le cours terminé, le professeur a déclaré que j’avais vraiment besoin d’un agent, que j’étais trop jeune pour continuer à suivre ce cours, mais que je m’étais malgré tout bien débrouillée. Et ensuite, dès la première semaine après les cours, j’ai candidement demandé à ma mère si je pouvais y retourner, et c’est ainsi qu’elle a accepté, en soupirant un peu, de me trouver un agent, avec qui j’ai commencé à travailler à sept ans. Depuis, je suis restée dans l’industrie cinématographique!

 

Cherami Leigh

 

Adrien Kamran : Le doublage, comme son nom en anglais l’indique (NDLR voice acting, littéralement « interprétation vocale »), comprend aussi beaucoup de performance et d’interprétation. Quel genre de préparation vous est alors nécessaire lorsque vous travaillez sur un nouveau personnage?

 

Cherami Leigh : J’ai joué dans beaucoup de films et dans des pièces de théâtre, j’ai fait plusieurs projets commerciaux et évidemment du doublage, et je pense que le processus est assez similaire dans tout, mais il y a aussi des différences. Pour le doublage, on nous donne généralement une photo. Parfois, on ne nous donne aucun contexte sur l’histoire ou sur le personnage, sauf peut-être une phrase ou deux, comme « c’est une fille et c’est une combattante »! Comme vous pouvez sans doute vous l’imaginer, c’est « amplement » suffisant!

 

Amanda Miller : Ça ne dit normalement que l’âge du personnage, son sexe, et ça précise s’il est joli.

 

Cherami Leigh : Lorsqu’on me remet une photo d’une nouveau personnage, ce que j’aime vraiment, c’est qu’il s’agisse d’une créature qui ressemble à un petit mouton de poussière mauve qui porte une boucle… Ça me renseigne « évidemment » beaucoup sur le vécu de ce personnage… Alors, plus sérieusement, quand je dois faire la voix d’une nouvelle héroïne, je regarde sa photo: porte-t-elle des lunettes? Ressemble-t-elle à une guerrière? Est-elle plutôt jeune ou plutôt âgée? A-t-elle des cheveux longs qui flottent dans les airs les garde-t-elle dans une queue de cheval? Est-elle vêtue d’une armure? Quel genre de personne porterait cette tenue et à quoi ressemblerait alors sa voix? Avec tout cela en tête, je dois adapter ma personne et ma personnalité pour correspondre à ce qu’on retrouverait dans l’univers que les auteurs et les dessinateurs essaient de créer. C’est difficile, car chaque fois qu’on fait une audition pour quelque chose et qu’on a créé en soi ce personnage qui nous excite beaucoup, on est heureux de le présenter aux gens dont l’opinion compte. Et parfois ils disent « oui », parfois ils disent « non, nous n’aimons pas ton interprétation ». Vous savez, ça, ce n’est jamais très amusant à entendre. En même temps, je dois essayer de me rappeler que, même s’il s’agit de la seule fois où je la chance de jouer ce personnage, au moins j’ai ce moment unique que je passe à dire ces mots et à vivre dans ce monde imaginaire. C’est habituellement ce que je fais avant une audition ou avant de faire une performance; parfois, il me faut 15 minutes, ou 5 minutes si c’est tout le temps que j’ai à ma disposition, pour méditer et être reconnaissante de l’opportunité que j’ai de performer ce jour-là et de jouer ce personnage, même si c’est juste une seule fois.

 

Amanda Miller : J’ai l’impression que le doublage, c’est quelque chose pour laquelle ma formation m’a énormément préparée. Avec le doublage, parfois, on a une description du personnage, parfois on obtient une image…

 

Cherami Leigh : Parfois, c’est un bonhomme allumette sans visage!

 

Amanda Miller : Je crois que c’est très, très basé sur le sens de l’improvisation. On doit être prêt à aller dans la cabine d’enregistrement à tout moment. La plupart du temps, lorsqu’on me dit « Hé!, tu as un enregistrement prévu à l’horaire », on ne m’informe pas toujours ce que sera le personnage que je vais jouer. On me dit simplement : « Viens demain pour une séance à 14h00 ». C’est donc impossible de savoir si on va jouer une femme, un petit garçon, un dragon, un humain… À moins de connaître le nom de l’émission ou celui du jeu vidéo, on est un peu pris. Et très souvent, surtout avec les jeux vidéos, on ne nous dit pas ce sur quoi on travaille; on nous donne un nom de code, comme « Project Blue Chair », et à aucun moment, on pouvait savoir qu’il s’agit en vérité de Halo!

 

Cherami Leigh : C’est comme ça, voire pire encore, car des fois, on ne nous donne que trois lettres du titre!

 

Amanda Miller : Et on n’a alors pas le choix de se demander « Mais c’est quoi ce jeu?! » Ces projets sont super top-secrets. On s’y rend et, sur place, quelqu’un nous résume brièvement ce que c’est et on découvre alors qu’on doit jouer un marine de l’espace qui a une jambe de bois et qui parle avec un accent écossais. Et on est alors heureux de pouvoir imiter un accent écossais!

 

Cherami Leigh : C’est vraiment ça : « Panique et saute dedans! »

 

Amanda Miller : On nous fait sauter dans la partie profonde de la piscine, sans gilet de sauvetage, plus ou moins. J’ai passé des années à apprendre par moi-même comment imiter des accents et comment chanter, afin de pouvoir mieux utiliser mon instrument: ma voix. Pratiquer les techniques du théâtre m’a aidée, de sorte que si je vois que le personnage est un soldat, je sais que je dois tenir mon corps différemment, et ainsi, le son de ma voix sera lui aussi différent.

 

J’espère que ces premières questions et les réponses de Cherami Leigh et d’Amanda Miller vous ont intéressés! Retrouvez la suite de mon entrevue avec ces deux actrices vendredi prochain, pour en savoir davantage sur le doublage et sur le milieu des animés!

 


 

Pour Adrien, la fin d’une histoire doit être du même goût que le café qu’il aime, soit douce-amère : selon lui, les «gentils» doivent souffrir un peu pour arriver à leurs buts. Grand amateur de jeux vidéos, musicien, lecteur et étudiant, Adrien aime pouvoir s’évader de la réalité, ce qu’une bonne histoire peut lui permettre de faire. Que ce soit à travers les yeux de la jeune Deryn Sharp, qui saute d’une corde à l’autre sur un dirigeable dans le monde steampunk de Leviathan, ou par ceux du biologiste qui explore l’étrange écosystème de l’Area X d’Annihilation, où les lois de la nature sont tordues, Adrien adore découvrir les nouveaux mondes que lui proposent les genres de l’imaginaire. Il croit fermement que les livres sont des portails essentiels pour explorer les créations de l’esprit.

3 Commentaire

  1. Intéressant… J’ai hâte de lire la suite. 🙂

    • Merci!

  2. Ca doit être étrange de parler avec une « voix » de dessin animé 🙂

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